Au procès de l’ex-maire de Canteleu, accusée de « complicité de trafic de stupéfiants », l’accusation fragilisée

2024-06-21    lemonde.fr HaiPress

L’ancienne maire socialiste de Canteleu (Seine-Maritime),Mélanie Boulanger,arrive au palais de justice de Bobigny avec son avocat Arnaud de Saint-Remy (à droite) avant son procès pour « complicité de trafic de drogue »,le 27 mai 2024. JEAN-BAPTISTE QUENTIN/LE PARISIEN/MAXPPP Mélanie Boulanger,47 ans,a toujours baigné dans la politique : à 18 ans,elle était déjà conseillère municipale. Fille de l’ancien maire de Longueville-sur-Scie (Seine-Maritime),elle est devenue celle (Parti socialiste) de Canteleu,14 000 habitants en périphérie de Rouen,en 2014.

Hasbi Colak,41 ans,a toujours été dans la restauration : à 20 ans,ce fils d’immigrés turcs né à Canteleu ouvrait le Show Kebab,situé pile entre la cité rose et la cité verte,deux quartiers pauvres de la ville dont il connaît tous les habitants,pour avoir grandi avec eux ou pour les avoir aujourd’hui encore comme clients.

S’il a été « casté »,comme a dit son avocat Jérémy Kalfon,comme conseiller municipal en 2008,puis comme adjoint chargé du commerce en 2014,c’est pour ça : faire le lien avec les quartiers difficiles. « Ce lien,je suis le seul élu de Canteleu à l’avoir »,dit-il. Son restaurant est « un peu devenu une annexe de la mairie »,et lui,un relais privilégié à la fois pour Mélanie Boulanger et pour les habitants des cités,y compris pour la fratrie Meziani,qui contrôle le trafic de drogue local depuis des décennies.

Mélanie Boulanger et Hasbi Colak,qui ont par ailleurs entretenu une relation extraconjugale,dont ils ont nié qu’elle ait eu un impact sur l’affaire,comparaissent devant la 13e chambre du tribunal correctionnel de Bobigny pour « complicité » de ce trafic. Ont-ils,par diverses interventions,favorisé l’activité des Meziani et de leurs associés ? Ou bien ont-ils fait comme ils pouvaient pour maintenir la paix sociale à Canteleu ?

« Changer les méthodes »

« Complicité de trafic de stupéfiants » : l’énoncé brut de cette accusation,particulièrement infamante pour des élus de la République,masque une réalité nuancée,qui est apparue à l’audience,mardi 18 et mercredi 19 juin,lors des interrogatoires des deux prévenus.

« Je suis détruite,a soufflé,mercredi,l’ancienne maire,clamant son innocence,en sanglots. Aujourd’hui,je n’ai plus rien à perdre,j’ai déjà été tellement salie. » Début de réhabilitation : les débats lui ont été plutôt favorables et ont permis d’écarter deux des principaux éléments à charge retenus contre elle pendant l’instruction.

Il lui était reproché d’avoir voulu reporter après les élections municipales de mars 2020 la pose d’une caméra de vidéosurveillance sur un point de deal – accusation reposant sur les seuls souvenirs du commissaire du secteur. Mélanie Boulanger,qui n’avait pas d’opposant à ce scrutin,a expliqué que ladite caméra avait été installée dès novembre 2019,et démolie le jour même ; puis qu’un technicien venu pour la réinstaller en décembre en avait été empêché par les trafiquants,qui avaient envoyé le malheureux à l’hôpital ; et que la caméra avait,finalement,été installée en janvier 2020.

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