La pensée écologique se formule par vagues. Après celle du vivant,la production se focalise ces temps-ci sur la matérialité du monde. Critique de la transition énergétique,généalogie de la production,question minière… A ce programme déjà fourni,il manquait Accumuler du béton,tracer des routes (La Fabrique,304 pages,18 euros),essai brillant de Nelo Magalhaes qui retrace l’histoire environnementale des grandes infrastructures de transport bâties en France depuis 1945. Le chercheur à l’Institut de la transition environnementale y décortique les rouages de cette « monumentale production d’espace » formée par cet ensemble d’autoroutes,de canaux,de carrières et de déchets,qui a transfiguré le visage du territoire hexagonal en quelques décennies.
Ce monde de béton cimente donc des dominations. La rematérialisation proposée par Nelo Magalhaes s’inspire évidemment du célèbre auteur de La Production de l’espace (1974),le philosophe marxiste Henri Lefebvre. Mais cette histoire ne se contente pas du rétroviseur : Accumuler du béton,tracer des routes assume son explosivité. D’abord,en se posant dans une conflictualité intellectuelle : l’essai s’achève par une critique frontale du Soin des choses (La Découverte,2022),de Jérôme Denis et David Pontille,et du concept de « redirection écologique » porté par Diego Landivar. Ensuite,en revendiquant de chercher à muscler le logiciel des luttes actuelles. « Les Soulèvements de la Terre sont lefebvriens »,affirme l’auteur. Seront-ils bientôt « magalhaesiens » ?
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