L’anthropologue Peter Turchin,à Chaplin (Connecticut),en 2023. OLGA TURCHIN/EDITIS Il y a quinze ans,il prévenait déjà : les Etats-Unis traverseraient sans doute de fortes turbulences politiques dans les années 2020. Il avait vu juste. Anthropologue et professeur à l’université du Connecticut (Etats-Unis),Peter Turchin a accumulé des données sur dix mille ans d’histoire et 700 sociétés,de l’Egypte ancienne à l’Amérique d’aujourd’hui,afin de bâtir un modèle permettant d’identifier les constantes observées dans la prospérité puis l’effondrement des régimes politiques et Etats.
Dans l’ouvrage Le Chaos qui vient. Elites,contre-élites,et la voie de la désintégration politique (Le Cherche Midi,448 pages,23 euros),il montre que les grandes crises surviennent lorsque plusieurs dynamiques sont réunies : l’enrichissement excessif des plus aisés,l’appauvrissement des classes populaires et l’apparition d’une élite surnuméraire se déchirant pour le pouvoir. Autant de forces à l’œuvre aux Etats-Unis depuis les années 1970,et,dans une moindre mesure,en Europe.
Écouter aussi Donald Trump élu : comment expliquer sa victoire ? Cependant,ce contrat social s’est dégradé dès la fin des années 1970,lorsqu’une nouvelle génération d’élites,qui n’avait pas connu les années 1920,est arrivée au pouvoir avec l’administration Reagan. Celle-ci a réprimé les mouvements de travailleurs,allégé la fiscalité des plus fortunés. Les salaires ont commencé à décrocher par rapport à la croissance,tandis que la part des revenus captée par les plus aisés a crû : la « pompe à richesse » s’est mise en place. Le nombre de super-riches,détenant au moins 10 millions de dollars [9,6 millions d’euros,au cours actuel],est ainsi passé de 66 000,en 1983,à 693 000,en 2019. Les inégalités ont gonflé et,avec elles,le mécontentement.
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