Le Jandri 3S,nouveau téléphérique des Deux-Alpes (Isère),le 1ᵉʳ décembre 2024. DAVID QUINVEROS / LES 2 ALPES Samedi 7 décembre,alors que le diocèse de Paris rouvre Notre-Dame,Fabrice Boutet a lui aussi le sentiment d’étrenner sa propre « cathédrale »,plaisante-t-il. Le directeur général de SATA Group,la société d’économie mixte qui exploite le domaine skiable des Deux-Alpes (Isère),voit l’achèvement d’un chantier hors norme : celui du Jandri 3S,un téléphérique à 148 millions d’euros,le plus cher de l’histoire des Alpes. Une fabrication presque à 100 % française,réalisée par la société Poma.
Samedi matin,les télécabines ont pris leur envol de la station,à 1 600 mètres,convoyant les skieurs jusqu’à 3 200 mètres en dix-sept minutes. Un accès express pour un trajet de 6,4 kilomètres : le téléphérique précédent mettait quarante minutes pour cette même ascension. Il a surtout une capacité doublée,pouvant déverser 3 000 skieurs par heure au sommet du domaine.
Ce téléphérique,c’est tout un symbole : celui de la poursuite d’investissements colossaux dans l’industrie du ski,dans une station où les prévisions d’enneigement pour les prochaines années sont moins pessimistes qu’ailleurs. Il faut dire que les Deux-Alpes,avec leurs 200 kilomètres de pistes,sont considérées comme le domaine le plus élevé de France,avec un point culminant à 3 600 mètres. Alors que,parmi les 250 stations de ski de France,seules « quelques-unes » peuvent espérer poursuivre une exploitation « au-delà de 2050 »,comme le rappelait la Cour des comptes dans un rapport publié en février sur l’avenir des stations de ski,les Deux-Alpes figurent dans ce club fermé.
Aussi,malgré le changement climatique qui affecte son glacier,SATA Group espère rentabiliser ce téléphérique sur une quarantaine d’années. « Peut-être que d’ici là le bas des pistes ne sera plus à 1 600 mètres,mais à 2 100 mètres. On s’y prépare. Cela ne nous empêche pas d’avoir de belles années devant nous »,expose M. Boutet. Profiter du ski jusqu’au bout : le domaine des Deux-Alpes n’est pas le seul à suivre cette voie étroite. « Toute une série de stations d’altitude investissent en ce moment dans des équipements qui les projettent sur trente ans »,remarque Fabien Felli,le président de Poma – une société où le chiffre d’affaires « montagne » reste important (40 %),même si c’est dans les téléphériques urbains que se trouvent ses vraies perspectives de croissance dans le monde,reconnaît-il.
Cette situation géographique donne aux Deux-Alpes un privilège : celui de pouvoir récupérer,à l’avenir,une partie du public des stations plus basses et moins enneigées,amenées à fermer. Ce report a déjà commencé. Depuis 2019,la station est ainsi passée de 1,2 million à 1,4 million de « journées skieurs » par an,alors qu’au global la fréquentation des stations de ski de France décroît depuis la décennie 2010,selon les données de Domaines skiables de France.
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